Test de Shenmue

Chaque hiver, l’attente d’un bus sous une neige glaciale me rappelle l’époque où, adolescent, Shenmue constituait un véritable prolongement de ma tranquille vie de collégien. La Dreamcast a beau avoir été frappée d’une mort rapide et sanglante, son catalogue de jeux n’a pas pris une ride. Alors que Yū Suzuki évoquait cette semaine encore le possible développement du troisième volet, je n’ai pas résisté à l’envie d’innonder sa première œuvre de compliments.


Shenmue est esthétique. Une véritable prouesse technique comme on n’en connaîtra plus, le cap du photoréalisme ayant été franchi avec la génération de consoles actuelles. À l’époque, les magazines s’extasiaient devant les procédés utilisés par les développeurs pour reproduire avec exactitude les faciès des protagonistes. De sculptures en résine, les modélisateurs sont parvenus à reproduire les expressions sur les visages des personnages. C’est aussi l’une des premières fois que l’on pouvait apprécier en temps réel l’alternance jour/nuit et l’impact des saisons sur l’environnement. Ce qui peut paraître classique en 2011 était révolutionnaire en 1999 : le moindre tiroir, la moindre canette de soda, tout est là, même le chat à qui vous donnerez à manger sans but aucun. Il est en effet possible d’interagir avec la plupart des éléments affichés à l’écran. Le plus souvent, cela ne fera pas progresser l’enquête, mais permet de se plonger plus facilement dans cette ambiance japonaise rurale des années 80, époque assez peu évoquée dans nos livres d’Histoire. De petites intentions qui, mises bout-à-bout, font les grands jeux.

Shenmue est social. C’est d’ailleurs sa principale qualité, et ce dès les premiers pas dans le village de Ryo Hazuki. Outre une histoire des plus réalistes -la vengeance d’un père froidement assassiné-, l’aventure invite le joueur à avoir de véritables relations interpersonnelles avec la population environnante. Utiles ou non, ces actions ponctuelles sont là encore l’occasion d’en apprendre plus sur l’univers ou de récolter des détails sur le contexte scénaristique du jeu qui prend place dans la ville portuaire de Yokosuka. Cette métropole est d’ailleurs des plus vivantes : la journée les commerces sont ouverts, le soir les gangs sont de sortie. La dimension temporelle est un élément clé du jeu, c’est elle qui dicte les moindres faits et gestes de Ryo qui doit être rentré chez lui avant 23h30 et rejoindre des points de rendez-vous en temps et en heure. Cette mécanique peut être frustrante au début, mais une fois la salle d’Arcade trouvée, ce n’est plus un problème pour les amateurs de rétrogaming. Les développeurs ont pensé à tout…

Shenmue est un précurseur. De par sa forme tout d’abord. Ce qui aurait dû s’appeler Virtua Fighter RPG est en effet un savoureux mélange d’aventure, d’enquêtes, d’énigmes et de combats. Intervient un concept inédit : les Quick Time Events, qui sollicitent le joueur en pleine action pour mettre ses réflexes et sa connaissance du pad à l’épreuve. Du coup, il est plus facile pour les développeurs d’élaborer des enchaînements et autres péripéties spectaculaires. En réalité, ce concept n’est pas nouveau, des supports interactifs comme Dragon’s Lair en ayant déjà fait bon usage dans les années 80. Mais Yū Suzuki a su baptiser ces évènements ponctuels « QTE » et les intégrer dans un gameplay complexe. Pour atteindre la perfection, Shenmue aurait dû proposer une maniabilité et une interface plus agréables ainsi qu’une difficulté accrue. Ce sont de loin les seuls reproches que l’on puisse lui faire, étant donné qu’une décennie plus tard l’expérience de ces quatre disques est toujours aussi incroyable, et que l’attente d’un troisième opus obsède encore de nombreux joueurs.

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