Test de L.A. Noire

Après une épopée dans l’Ouest américain au début du vingtième siècle, RockStar continue à mêler patrimoine historique yankee et fictions dramatiques afin de concocter des blockbusters très fortement inspirés par le septième art. Cette fois-ci, le développement a été confié à la Team Bondi, jeune équipe australienne indépendante dont L.A. Noire est le premier effort. Une superproduction qui a connu un engouement et une promotion hors norme depuis son annonce. Les médias en auraient-ils encore trop fait ?


La promesse d’une aventure policière au cœur des années quarante a de quoi faire rêver les admirateurs de cette époque phare de l’Amérique d’après-guerre. Alors qu’Hollywood est en pleine effervescence, que l’industrie du crime et de la drogue gagne les sombres rue de Los Angeles, Cole Phelps intègre une L.A.P.D. débordée par le torrent de sang et de poudre qui se déversent dans les fonds de caniveaux. L’immersion est totale et immédiate : le joueur fait très vite face aux pires pourritures, des mafieux les plus redoutables aux fonctionnaires de police les plus véreux. Chaque enquête éloigne un peu plus Phelps de ses collègues dopés à l’arrogance. Jusqu’au point de rupture, le switch qui confère au sombre scénario de ce polar une classe inégalable. La narration est impeccable, et bien que prévisibles, les temps forts de l’aventure collent de sérieux frissons dans les échines. Soucieux de concevoir une trame irréprochable, les scénaristes ont même ajouté quelques scènes facultatives à découvrir à la une des journaux disséminés dans la ville. L’omniscience du joueur aurait pu porter préjudice au bon déroulement des enquêtes, fort heureusement elle est finement ajustée. S’ajoute à ce travail d’orfèvre une bande originale jazzy aux petits oignons qui magnifie le tout et contraste avec l’insalubrité des rues, les costumes ensanglantés et les coups de barres à mine dans les tripes.

Mais l’ambiance ne suffit pas. Soyons clairs : L.A. Noire est un bon jeu d’aventure. Malheureusement, la campagne de communication et les différentes bandes-annonces nous laissaient à penser qu’il s’agirait d’enquêtes où la capacité d’investigation du joueur serait la clé de la réussite. Oubliez immédiatement ces fantasmes : la vie d’un inspecteur à Los Angeles est itérative et inerte. Les missions s’enchaînent, ne se ressemblent pas, mais n’évoluent que très peu. Déceler des preuves, analyser le cadavre, interroger les témoins, questionner les suspects après une rapide course-poursuite, mettre le coupable derrière les barreaux et toucher son salaire de misère. Voilà votre quotidien. Cette situation est extrêmement frustrante : le potentiel du jeu est colossal, mais l’ensemble est terni par un rythme maladroitement cadencé. Seules deux des vingt-et-une enquêtes m’ont véritablement fait claquer les dents : l’Acte Final du Dhalia Noir, et l’ultime affaire, pour leurs gunfights épiques. Autre déception : l’absence de véritables phases d’exploration. Là où Red Dead Redemption offre tout le loisir de galoper dans les prés arides de l’Amérique, L.A. Noire éclipse totalement cette dimension. Évidemment, les enquêtes n’étant pas chronométrées, Cole Phelps peut à tout moment résoudre les délits annexes et chasser les monuments, voitures et bobines cachées sur son temps de travail. Mais la trame scénaristique ne l’encourage pas. Enfin, on pourrait souligner le dirigisme des interrogatoires qui, finalement, ne peuvent être réussis à la perfection que suivant un ordre pré-établi et une logique unique. Dommage, car on aimerait pouvoir jouer avec les suspects, les preuves et le bluff naturel qui sont légion dans un véritable interrogatoire.

Un aspect ne peut pas être contesté : les expressions faciales des protagonistes rencontrés dans l’histoire. Tous les faciès, toutes les répliques et la moindre saute d’humeur ont été capturés sur de vrais acteurs grâce à une trentaine de caméras haute-définition. On reconnaît ainsi facilement un certain Aaron Stanton, parfait dans ce rôle. Cette technologie qui on l’espère sera réutilisée dans les prochaines productions de la Team Bondi permet également de donner un maximum de profondeur aux interrogatoires, un peu surjoués, mais criant de réalisme. Ce rendu contraste avec le reste des performances graphiques qui malgré une direction artistique excellente ne parviennent pas à égaler le niveau de la concurrence. Textures granuleuses, aliasing omniprésent et ralentissements viennent s’ajouter à la liste des déceptions qui font passer L.A. Noire du statut de « jeu le plus attendu de l’année » à « indispensable du mois de mai ». Cela reste honorable.

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