Test de Tomb Raider

Une survivante est née. Promesse ambitieuse pour une Lara Croft en quête de sens depuis que son développeur historique, Core Design, a laissé sa mascotte entre les mains des studios Crystal Dynamics. Après deux aventures résolument orientées action et un passage stratégique par le dématérialisé, Tomb Raider fait table rase du passé à l’occasion de ce reboot, probablement la dernière itération de la série sur cette génération de consoles. Les trois premières heures de jeu s’étaient révélées convaincantes, sont-elles à l’image des dix suivantes ?


Pas vraiment. Échouée sur une île de l’Océan Pacifique après le naufrage de l’Endurance, le navire qui conduisait son expédition archéologique, Lara Croft est capturée, battue, attachée comme un vulgaire morceau de viande dans une caverne sombre, glauque et humide. C’est seule, plaies béantes, qu’elle débute une quête pour sa propre survie, son arc à la main comme seule arme, ses doutes comme premiers ennemis. Passée l’impression de renouer avec les codes du premier opus de la série qui aurait été revisité par Crusoé, on découvre une aire de jeu loin d’être déserte. La chasse et la sensation de faim sont mises de côté et la jeune Croft se lance dans une véritable guerre contre le peuple des Solarii, dont le culte pour la Reine Himiko ne semble pas sans conséquences sur son infortune. Le premier parallèle avec Uncharted est tout trouvé : chaque nouveau pas de la pulpeuse aventurière est une manifestation supplémentaire de sa poisse. Les situations sont exagérées, caricaturales, à l’image de ses blessures de plus en plus sales, profondes et douloureuses, si terribles qu’elles n’étonnent plus. Mais y a-t-il une place pour la crédibilité dans l’imaginaire de ce Tomb Raider qui conserve son lot de mythes et de manifestations surnaturelles ?

Cet imaginaire permet à Lara Croft, même captive, de traverser le monde en restant sur la même île. Difficile sans cette surcouche mystique de justifier la météo très aléatoire et les changements brusques d’ambiance et d’environnement. Cet imaginaire, c’est un prétexte pour servir sur un plateau de jade une direction artistique inspirée et nuancée pour accompagner une atmosphère sombre à souhait. Pourtant linéaire et anxiogène, le jeu procure souvent une curieuse sensation de délivrance, la faute à de somptueux décors que sont par exemple les montagnes enneigées, le bidonville ou les forêts, que les quêtes annexes invitent à visiter de fonds en combles. La mise en scène inspirée des meilleurs films catastrophes est pour beaucoup dans cette liberté conditionnelle et la sublimation de l’action. Avec le joueur, la caméra tombe, tremble et se détériore. Elle se cache aussi, dans des chemins confinés, donnant lieu à des séquences plus angoissantes où seule la lueur d’une torche guide les pas de Lara flirtant avec les murs. L’immersion, probablement la plus grande qualité de cet opus, est décuplée par l’absence totale d’informations et d’interfaces pendant les phases d’action. Cette esthétique directement inspirée du septième art, est courante dans de nombreuses productions indépendantes ou dans des titres au parti pris esthétique bien tranché. En l’associant à une licence aussi populaire que Tomb Raider, Crystal Dynamics prend le risque de sortir des sentiers battus tracés par les insipides jeux AAA qui polluent les rayons ces dernières années.

Dans son approche purement mécanique, Tomb Raider aurait aussi pu être une bouffée d’air frais. Mais ce qui semblait être un exigeant jeu de survie au premier abord n’est qu’un prétexte pour soutenir le scénario beaucoup plus cadencé qu’il n’y paraît et façonner le caractère d’une Lara encore jeune et fragile. Déçus, seront ceux qui s’attendaient à chasser pour survivre et se battre à coups de silex pour se défendre. Aucune jauge de faim, pas de jauge de vie : Lara échange très vite son arc pour des armes à feu, plus efficaces pour abattre des dizaines de mercenaires cachés dans un bunker. Les feux de camp n’ont aucun rôle gastronomique, ils cachent par contre un sympathique système d’évolution de compétences et d’amélioration d’équipement. Mais là encore, jamais les choix d’attribution des points ou d’utilisation des matériaux récoltés ne seront décisifs dans la progression, ce qui rend l’aventure très accessible, trop peut-être, à l’image des phases d’énigmes et des tombeaux loins des casses-tête d’antan. Les affrontements sont survitaminés, explosifs, violents, mais peuvent devenir plus stratégiques quand les munitions manquent et que le système de couverture est mis à profit. Parfois, des séquences QTE, assez cruelles, viennent pimenter le déroulement de l’action. Difficile de ne pas y laisser sa peau quand elles surviennent pour la première fois, mais les sauvegardes automatiques très régulières limitent la frustration. Si l’influence de Naughty Dog est indéniable, Crystal Dynamics est allé plus loin en camouflant des dizaines d’objectifs annexes faisant appel à la curiosité et à un sens de l’observation raffiné. C’est également grâce à eux que les développeurs parviennent à conserver l’âme de la série, qui dès 1996 jouait à cache-cache avec le joueur. Pour tout ça, il s’agit probablement du meilleur jeu d’action de ce premier trimestre, probablement l’un des plus ambitieux de ce dernier cycle de vie des consoles actuelles, et pourquoi pas le Tomb Raider le plus réussi depuis une décennie.

11 commentaires

  1. Je ne comprends pas trop la conclusion qui contraste beaucoup avec les reproches d’avant. Le meilleur jeu d’action au scénario pas folichon et aux personnages un peu surjoués du trimestre peut-être, mais alors le marché n’est pas en forme.
    Pour le reste, comme d’habitude, une très bonne critique avec une rédaction sans faille, et on sent une réelle connaissance des jeux vidéos dans leur dimension la plus originale que n’ont pas la masse de médias de l’autre côté.

    Sinon tu avais dis que tu mettrais en ligne ton propre test de Final Fantasy XIII un jour, ça vient ? 😛

    • Le scénario n’est pas décevant. Il est juste très différent de ce que laissaient entendre les 3 premières heures. Les personnages manquent de personnalité, mais ça se ressent moins dans la VO. Effectivement, le marché est un peu tristoune, je prends toujours ça en compte quand je teste les jeux dans les temps (c’est rare ). Pour FFXIII, je ne sais pas. Si je le fais ça sera sur FFRing ! Merci pour toutes tes remarques !

      • Personnellement le scénario m’a déçu parce que vraiment classique (genre Lost) somme toute 🙁
        Je joue en VO 😀
        Ce qui est dommage aussi c’est la facilité du jeu. Mais bon, ça n’empêche qu’on s’y amuse au final. Je suis étonné que tu n’ai pas parlé de la technologie TressFX pour les cheveux de Lara, peut être que tu n’as pas joué sur PC. En tout cas c’est loin d’être un accessoire parce que le rendu est extraordinaire :O

  2. Excellent test qui montre vraiment ce à quoi nous pouvons nous attendre en jouant à ce jeu. Pour y avoir joué et l’avoir terminé à 100%, je partage ton avis et cela faisait longtemps que je n’avais pas joué à un jeu comme celui-ci. La DA est juste sublime, la musique pose bien l’ambiance et le scénario, même si un peu basique, est suffisamment convaincant pour se plonger dans l’aventure. Bref. Pour ma part, ce TOMB RAIDER est LE jeu d’action de ce début d’année et j’espère que le suivant sera d’aussi bonne qualité.

  3. Pour faire simple…

    Tomb Raider, est un reboot des merdiques, transformé en jeu d’action sans saveur et à la simplicité déconcertante…
    Vous serez amener à visiter des lieux sans vie avec une pseudo sensation de liberté, et où vous devrez progresser via des scripts et accomplir des objectifs aussi barbants les uns que les autres…
    Le jeu se permet de vous proposer des quêtes secondaires basés sur la collecte de champignons, ou casser des trucs dans le seul et unique but de gagner de l’EXP et des matériaux afin respectivement d’augmenter un arbre de compétence des plus banal et de développer vos armes afin bien qu’elles soit plus badass même si en difficile et sans améliorations le jeu n’en reste pas moins facile…
    En ce qui concerne le scénario vous aurez dès le début compris que vous tombez sur l’île du Yamatai blablabla, deux trois pirouettes scénaristiques et puis s’en vont…
    Niveau gameplay la plate-forme est mise à la trappe pour nous servir de l’action molle avec des gun fights unchartedesque et avec les QTE je vous prie, les tombeaux sont dignes de Dora l’exploratrice, et les décors peu recherchés pour peu que vous ayez jouer à ce genre de jeux par le passé…
    L’ambiance du fait de la simplicité, de l’instinct et tout ce qui la plombe est du coup en phase de recherche…

    En conclusion, il vaut mieux laisser Lara s’empaller sur une broche et rapidement vendre ce jeu si vous ne voulez pas terminer dépressifs

  4. Très bon test, j’adore ta « façon » d’écrire et on sent que tu connais ton sujet. Continue comme ca ^^

  5. Je pense que tu décris parfaitement le jeu sans jamais poser les mots : Je pense en effet que Tomb Raider est un très bon jeu d’action/aventure, qui met la pilule à tout ce qui se fait actuellement, mais est (très) loin d’un jeu d’exploration/survie comme l’auraient pu laisser entendre les premières heures de jeu et la communication autour.

    Et ce n’est pas non plus un « Tomb Raider » au sens historique de la licence, mais là, c’était voulu. Il est fortement probable que la recette d’un Tomb Raider originel ne fonctionnerait plus (assez) aujourd’hui (trop difficile, peu d’action etc.), et les éditeurs veulent rentrer rapidement et facilement dans leurs frais.

    • Sans poser les mots ? Je pense au contraire décrire dans mon article le même sentiment que toi, en expliquant que les joueurs s’attendant à un jeu de survie seront déçus. Mais j’ai tellement trouvé l’action et l’immersion parfaites que la frustration a vite été oubliée.

  6. Moi qui suis un gamer fou depuis plus de 25 ans (et ancien Hardcore Gamer même), et bien que toutes les critiques soient assez fondées en ce qui concerne ce TR, force est de reconnaître tout de même qu’il est beau et fun à jouer…
    Bon, c’est une pure copie des Uncharted, il est vrai, mais une copie d’un des meilleur jeu c’est tout de même flatteur…
    Alors OUI, le scénar est moyen, les persos manquent de caractère et Lara chiale un peu trop souvent à mon gout (LOL) mais on y prends beaucoup de plaisir à y jouer sur le moment.
    Ce jeu ne devrait pas faire partie du TOP TEN d’aucun joueur sur la planète mais on a pas tous les jours un Final Fantasy ou un Resident Evil à se mettre sous la … manette !!! 😉

    @DDISONNEMENT VOTRE

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