Test de Save me Mr Tako: Definitive Edition

Pour une raison qui m’échappe, je n’avais pas encore mis la main sur Save me Mr Tako, une madeleine de Proust préparée en France, par un seul homme, en hommage à toute une génération de jeux Game Boy. Vous savez, ceux qui ont accompagné vos longs voyages en voiture sur la route des vacances quand vous étiez gamin. J’ai eu la chance de suivre le développement de ce projet fou imaginé par Christophe Galati depuis ses prémices, à l’époque où le jeune étudiant présentait le prototype de ce qui était encore conçu comme un runner. Après une première sortie en octobre 2018 puis un divorce avec Nicalis, qui éditait jusqu’alors le jeu, Save me Mr Tako s’offre une Definitive Edition revue et corrigée sur Steam et Nintendo Switch soutenue par Limited Run Games.


Comme si le développement d’un premier jeu n’était pas suffisamment complexe, le créateur de Save me Mr Tako s’est donné pour mission de faire un bond dans le passé et de créer son projet avec une contrainte majeure : respecter, tant que possible, les spécifications du Game Boy. On peut dire que le pari est réussi et le résultat bluffant : pixel art charmeur tant au niveau des sprites des personnages (très expressifs) que des décors plutôt variés, palette de 4 couleurs chaleureuse quelle que soit la teinte choisie, bande-son pas très inspirée mais emblématique de cette époque où quelques notes suffisaient à souligner une émotion malgré les limitations de la machine. Pour casser la monotonie dégagée par la monochromie verdâtre, la colorimétrie automatique s’adapte au niveau parcouru pour confier une ambiance aquatique, féérique ou dramatique lors des niveaux plus intenses.

L’aventure plonge le joueur au cœur d’un conflit opposant les humains et les poulpes. Pourtant doté de tentacules, le jeune Tako sauve un beau jour une jeune femme de la noyade, alimentant ainsi les moqueries de ses congénères et l’admiration d’une fée qui récompense immédiatement cet acte héroïque en confiant à Tako le pouvoir de respirer hors de l’eau et donc de rejoindre la terre ferme pour mettre un terme à ce conflit sanguinaire. Étonnamment, l’histoire prends une place plus importante qu’on ne pourrait le croire au cours des 15 heures nécessaires pour afficher les crédits. Les PNJ sont nombreux et l’intrigue nécessite de procéder à quelques allers-retours dans les différents villages et forteresses : si cela densifie la quête principale, on peine parfois à se repérer en raison de l’absence d’un marqueur, d’une carte ou d’un rappel clair de l’objectif en cours — on peut quand même avoir un récapitulatif en rendant visite à la loutre présente dans chaque région, mais cela reste assez fastidieux. Au final, ce titre qui était présenté comme un Kirby-like en raison des nombreux chapeaux qui confèrent des pouvoirs au héros s’inspire tout autant de The Legend of Zelda par la densité des dialogues et des premiers Metroidvania pour sa progression. Un mélange d’influences efficace.

Si l’ode au Game Boy fait des merveilles sur le plan artistique, le gameplay de Save me Mr Tako, volontairement archaïque, demeure l’un des points imparfaits de l’aventure. La prise en main se veut assez intuitive mais la physique très aérienne de Tako rend la prise en main délicate dans les niveaux qui demandent davantage de dextérité ou quand un ennemi aux déplacements imprévisibles surgit à l’écran. C’est d’autant plus frustrant qu’à moins d’être équipé du chapeau adapté, la moindre erreur se solde par une mort certaine. Curieusement, je garde quand même un agréable souvenir des niveaux les plus exigeants qui sont aussi les plus originaux : quand le scrolling est automatique, qu’il faut s’infiltrer sans se faire repérer ou que l’obscurité empêche d’appréhender les ennemis). Bien que la courbe de difficulté de cette Definitive Edition soit vraisemblablement mieux maîtrisée qu’en 2018, rétablir l’ordre du monde demande de la patience, une bonne dose de sang-froid, une plancha et 5cL d’huile d’olive.

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