Test de Ys IX: Monstrum Nox

Véritable patriarche du RPG japonais fondé en 1981, le studio Nihon Falcom continue aujourd’hui encore d’arroser le marché au rythme effréné d’une aventure par an avec, en tête de gondole, ses sagas phares The Legend of Heroes et Ys. Souvent accaparé par le copieux calendrier de Square Enix, je n’ai jamais pris la peine de m’intéresser à l’univers médiéval fantastique et démoniaque d’Ys, et ce malgré les innombrables qualités qui lui collent à la peau. Jamais, jusqu’à ce jour. Ys IX: Monstrum Nox, « l’épisode idéal pour découvrir la série » débarque enfin sur Switch et PC, quelques mois après sa sortie sur PS4 et deux ans après avoir conquis les japonais. Laissez tomber vos exigences graphiques, prenez quelques vitamines : on va casser du monstre dans les prisons de Nantes.


C’est à peine arrivé aux portes de la cité de Balduq, dont l’architecture gothique, la météo grisâtre et la gastronomie appétissante ont été copieusement inspirées par la France, que les compagnons de route Adol et Dogi sont repérés puis interceptés par les soldats de l’Empire de Romun. Il faut dire que les deux hommes ont déjà plusieurs frasques à leur actif et que les nouvelles vont vite en Gllia. Jeté en cellule puis rapidement évadé de ce qui semble être une gigantesque prison secrète, Adol reçoit en plein cœur une balle tirée par une mystérieuse jeune femme encapuchée. Maudit, doté de nouveaux pouvoirs et d’une nouvelle identité secrète (le « Roi Rouge »), Adol rejoint alors 5 autres Monstrums condamnés par la même Aprilis à combattre des hordes de créatures à chaque fois que le ciel convoque les deux lunes rouges. Un rituel sanguinaire et violent, la « Nuit de Grimwald », dont ils ne peuvent se soustraire, et dont y devront percer les mystères. Religieusement chapitré et parfaitement rythmé, Ys IX ne parvient pas seulement à convaincre les fans de la première heure (de subtiles références aux aventures passées sont glissées dans les dialogues), il fédère aussi les néophytes grâce à une histoire indépendante et une galerie de personnages hauts en couleur qui ne révéleront leur véritable identité qu’au fil des événements. Cette succession de petites quêtes qui permettent de s’attacher à tous les protagonistes, y compris les personnages secondaires, n’est pas sans rappeler l’écriture méthodique des meilleurs épisodes de Dragon Quest. Une bonne partie du casting forme ensuite une petite troupe sympathique que l’on retrouve au Dent-de-Lion, la taverne clandestine qui sert avant tout de repaire à nos fugitifs. Plus qu’un repaire de forgerons et marchands, c’est la pierre angulaire d’un système de jeu riche et d’une bourgade où les activités ne manquent pas.

  • Une malediction née d'une balle en plein cœur.
  • Les Monstrums se réunissent pour défaire les Larvas lors de la Nuit de Grimwald.

Si 30 heures suffisent à afficher les crédits d’Ys IX: Monstrum Nox, la générosité dont ont fait preuve les développeurs permet aisément d’y consacrer le double. On trouve bien sûr quelques quêtes annexes — essentielles pour l’immersion tant elles mettent en lumière des personnages et des événements fondamentaux — mais aussi et surtout une quantité astronomique d’objets à collecter, de panoramas à immortaliser ou encore d’inscriptions sur les murs à repérer. Des à-côtés qui valorisent l’étonnante verticalité du titre et que les nombreux points de téléportation permettent d’expédier sans trop de contraintes. Chaque PNJ récompense les efforts dignement, ce qui n’est pas un luxe car l’argent vient rapidement à manquer quand on cherche à rafraîchir son attirail de combat en boutique. Les combats, parlons-en. Peut-on concevoir un système aussi fou et jubilatoire ? Après quelques didacticiels pour assimiler toutes ses subtilités et un remapping des touches pour plus d’intuitivité, on se frotte à une conjugaison idéale entre l’habituel pierre-feuille-ciseaux obligeant à jongler entre les personnages, les esquives et les parades au timing exigeant pour bénéficier de quelques secondes de supériorité et, enfin, le mode Boost qui transforme les personnages en super-guerriers enchaînant les combos, avec un finish « Extra » dévastateur. Lors des affrontements de boss ou contre les vagues de monstres rencontrées pendant la Nuit de Grimwald, l’action devient autant jouissive qu’incompréhensible pour n’importe quel être humain qui poserait ses yeux sur votre écran. À la frontière entre l’Action RPG et le Beat’em up, Ys IX réunit tout ce qui a fait le succès de son prédécesseur, Ys VIII, une alchimie tellement parfaite qu’on aurait du mal à reprocher à Takayuki Kusano et son équipe d’avoir choisi la facilité et l’excellence.

C’est quand on s’attache à la technique que cette version Switch de Monstrum Nox peine à convaincre. Il faut dire que sur le plan purement artistique, ce neuvième épisode est moins chaleureux que son grand frère, qui faisait traverser des environnements plus vastes et plus colorés malgré une austérité visuelle héritée de la version Vita (son support d’origine). On pouvait déjà déplorer des ralentissements et une distance d’affichage limitée sur PlayStation 4 en février dernier ; malgré les efforts d’optimisation consentis il faut admettre que l’action souffre de fortes chutes de framerate lors des combats les plus intenses. L’aliasing, les temps de chargement et les animations font sérieusement penser à une production PS2 qui serait sortie quinze ans plus tard. Mais vous savez quoi ? On s’en balance. Soutenu par une bande-son lumineuse et une traduction française de qualité (malgré quelques caractères spéciaux passés à la trappe), Ys IX démontre qu’un budget modeste permet encore, avec un peu d’ingéniosité et d’abnégation, d’écrire un scénario haletant servi par des combats vitaminés. Totalement étranger à Ys il y a encore 5 jours, me voilà en train de passer à la caisse pour me plonger dans Ys VIII: Lacrimosa of Dana. Une nouvelle histoire d’amour serait-elle en train de naître ?

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