Test de Xenoblade Chronicles: Definitive Edition

Jamais deux sans trois. Désigné à l’unanimité comme l’un des plus grands RPG de la Wii, le monstre du studio Monolith Software, déjà porté en 2015 sur une New 3DS un peu trop étroite pour l’accueillir, s’offre un relooking complet pour conquérir de nouveaux adeptes ou faire replonger ceux qui auraient déjà gambadé plus de 60 heures au milieu des  plaines envoûtantes de Xenoblade Chronicles. Une occasion en or pour redonner à ce chef d’œuvre ses lettres de noblesses sur Switch, nouvelle terre promise du RPG japonais.


Loin des open worlds superflus comme certains éditeurs occidentaux en ont fait leur marque de fabrique, Xenoblade Chronicles donnait dès 2010 une leçon en la matière, en proposant des zones démesurées inondées de quêtes annexes, une verticalité vertigineuse et une mythologie spectaculaire, tout en conservant une cohésion d’ensemble portée par l’intrigue. Des esprits tordus de Tetsuya Takahashi, Yuichiro Takeda et Yurie Hattori a germé cette idée géniale : endormir deux colosses autrefois ennemis, Bionis et Mékonis, pour créer sur leurs vestiges un monde luxuriant, mécanique, dans lequel la nature a repris ses droits. De cette bataille millénaire resurgissent de vieilles querelles entre les Homz et les Mékons dont Shulk, héros aussi impavide qu’héroïque, sera le principal témoin, aux côtés d’une demi-douzaine de camarades rencontrés sur sa route. Cette fine équipe, qui pourrait constituer le casting idéal d’un manga shônen, se dévoile progressivement en prenant le soin et le temps — car Xenoblade Chronicles: Definitive Edition est un jeu délayé sur 65 heures — de faire les présentations et d’approfondir la relation avec tous les personnages importants rencontrés. Leurs différences sont votre force : au combat, utiliser les particularités de chacun est la clé pour défaire l’ennemi sans sourciller.

Souvent qualifié de « MMO offline », Xenoblade Chronicles opte en effet pour un savant système de combat mêlant timing, mobilité, réflexes et méthode. Si les trois personnages de l’équipe se chargent seuls des attaques simples, c’est au joueur qu’il revient de réaliser les « Arts », des compétences spéciales souvent liées à la classe du combattant, toutes soumises à un cooldown qui implique de toujours garder un œil sur la palette de commandes pour optimiser les enchaînements. Pour rendre l’ennemi vulnérable et l’affaiblir plus facilement, il faudra généralement lui infliger trois états successifs : le déséquilibrer, le faire chuter, puis l’hébéter. Une gymnastique que l’on peut trouver très redondante, mais qui a le mérite de sanctifier les deux combattants dirigés par une IA plutôt efficace. Puisqu’il est le seul à maîtriser Monado, l’épée légendaire au cœur de l’intrigue, Shulk possède quelques techniques indispensables pour défaire les Mékons et protéger l’équipe des futures attaques dévastatrices, à condition d’être assez rapide pour changer le cours des évènements quand une telle vision se produit en plein combat. En cas d’échec, un « game over » n’est jamais une fatalité : il suffit d’enchaîner quêtes annexes pour gagner un niveau, une gemme ou un nouvel équipement et immédiatement en apprécier les effets sur l’équilibre du jeu. À mon sens, ce système reste en 2020 l’un des meilleurs compromis entre la vivacité des combats en temps réel et l’austérité du tour par tour.

Ce système à succès doit beaucoup à la qualité des interfaces de cette Definitive Edition, plus ergonomique que ne l’était l’aventure sur Wii ou sur New 3DS. Qu’il s’agisse des indices visuels pour accompagner le joueur dans le choix de ses attaques, des raccourcis pour revendre rapidement les bibelots lootés sur les ennemis ou de la carte qui indique le chemin jusqu’à l’objectif de la quête suivie, tout est pensé pour rendre l’aventure accessible à tous malgré sa densité. Je regrette quand même l’absence d’un raccourci permettant d’équiper automatiquement les accessoires fraîchement achetés, ainsi qu’une option « équipement optimal » toujours pratique quand l’inventaire est aussi varié. C’eût été bien plus utile que la nouvelle rubrique « équipement d’apparat » qui permet de soigner le look de ses héros sans altérer leurs statistiques. Ce souci du détail confirme néanmoins la volonté de Monolith d’offrir l’expérience visuelle la plus satisfaisante possible. Cela passe d’abord par une réalisation graphique grandiose dans les vastes environnements extérieurs, malgré une détérioration notable en mode portable en raison de la trop basse définition de l’image, baveuse à souhait. Bien sûr, cela reste suffisant pour apprécier en toutes circonstances l’immensité du paysage et les cinématiques saisissantes, dans lesquelles les personnages sont bien plus convaincants qu’en 2010 à défaut d’offrir des animations dignes de cette génération de consoles. Il faut enfin rendre hommage à ce doublage aux petits oignons (la version anglaise, 100% british, est aussi soignée que la japonaise) et la mæstria de la bande originale portée par les compositions entêtantes de Yôko Shimomura (« Main Theme », « Time To Fight! »), Manami Kiyota (« Bionis’ Awakening ») et ACE+ (« Gaur Plain »), remasterisées pour l’occasion. Ces mélodies qui traversent les âges sont aussi la marque des grands jeux. Assurément, Xenoblade Chronicles en est un, incontournable et indélébile.

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